Sa présence dans nos salles de bains nous semble commune, voire banale. À tel point que nous aurions tendance à oublier que le savon est, lui aussi, le fruit d’une longue et riche histoire. Certes, l’invention du savon est très ancienne. Mais l’apparition du produit d’hygiène tel que nous le connaissons aujourd’hui est plus récente qu’on ne le croit. Et s’il fallait attribuer le mérite de la démocratisation de la savonnerie à une seule personne, ce serait à un Français : le roi Louis XIV.

Qui a inventé le savon ?

La saponification est un processus ancestral qui ne cesse de se transformer au fil des évolutions des mœurs hygiéniques de l’humanité. Aux quatre coins du monde, chaque peuple a toujours exploité ses ressources locales pour nettoyer sa peau et ses cheveux. Mais alors, qui a inventé le savon ?

Le savon, une invention gauloise ?

On attribue aux Gaulois l’invention de l’un des ancêtres du savon : le sapo. Il s’agit d’une pâte nettoyante constituée d’un mélange de graisse animale et de cendres de bois. Même les raffinées Grecques et les Romaines s’en inspirent et en déclinent des variantes à base de poudre de nitre.

 Pline l’Ancien est l’un des premiers à évoquer ce « savon » gallo-romain dans ses textes latins. Son traité d’Histoire naturelle lui prête plusieurs usages, aussi bien médicaux qu’esthétiques. Il lui reconnaît notamment des bienfaits dans le traitement des scrofules et la teinture capillaire.

 « On emploie aussi le savon inventé dans les Gaules pour rendre les cheveux blonds : il se prépare avec du suif et des cendres ; le meilleur se fait avec des cendres de hêtre et du suif de chèvre ; il est de deux sortes, mou et liquide. » (Livre XXVIll, traduction).

Le savon, une invention arabe ?

Le savon « premier du nom » aurait-il été inventé par le monde arabe ? C’est ce que laissent supposer des tablettes sumériennes gravées près de 2500 ans avant notre ère. Elles évoquent un savon fabriqué à base d’huile pure et de potasse. Les fondements de la saponification sont posés.

Cette recette a vraisemblablement mené à l’invention du savon d’Alep – aussi connu sous le nom de el malaki en Syrie. Les historiens font remonter son apparition jusqu’à 40 siècles. Séché à l’air libre avant d’être découpé, il se compose traditionnellement d’huile d’olive et de beurre de laurier.

À la suite des croisades, le succès du fameux savon d’Alep traverse la Méditerranée. L’Occident s’empare de ses secrets de fabrication et revisite les ingrédients qui le composent. Il donne ainsi naissance à l’un des piliers historiques de la savonnerie française : le savon de Marseille. 

Le cas du savon de Marseille

Il faut attendre le XVIIe siècle pour que la cité phocéenne devienne le centre d’exportation du célèbre savon à l’huile d’olive. Cette petite révolution cosmétique naît de deux découvertes capitales : celle de la soude industrielle (Leblanc), puis celle de la saponification (Chevreul) début 1800.

L’invention du savon de Marseille marque un tournant dans l’histoire du savon et l’essor de la savonnerie. En 1786, la ville de Marseille produit ainsi 76 000 tonnes de savon dans pas moins de 49 savonneries. Le secteur emploie 600 ouvriers et connaît rapidement son âge d’or.

Pourtant, le savon demeure un produit de luxe que seuls quelques privilégiés peuvent s’offrir. La majeure partie de la population se contente d’utiliser des plantes saponaires dans les bains publics. Bientôt, les campagnes des hygiénistes du XIXe précipitent son industrialisation.

Louis XIV et la démocratisation de la savonnerie en France

Qui a inventé le savon… ou plutôt, qui l’a galvaudé ? Nous croyons (à tort) que le règne du Roi-Soleil était placé sous le signe de la crasse. En réalité, le peuple évitait de se laver par peur des miasmes que l’eau véhiculait. Louis XIV, ironiquement, a joué un rôle essentiel dans l’invention du savon.

L’industrialisation de la saponification et ses travers

Dans la France du XVIIe, l’essor du savon attire les convoitises de fabricants peu scrupuleux. Au fil des décennies, l’apparition de nouveaux moyens industriels encourage la fabrication de produits de mauvaise qualité. Toutes les conditions sont réunies pour galvauder la savonnerie traditionnelle. 

Plusieurs savonniers entreprennent ainsi de remplacer l’huile d’olive des savons par des huiles végétales moins chères. Il pouvait s’agir d’huile de ricin, d’huile de palme ou encore d’huile de lin. La multiplication des contrefaçons n’échappe pas au souverain de l’époque, qui décide d’agir…

L’Édit de Colbert et son rôle dans l’invention du savon moderne

Nous sommes le 5 octobre 1688 lorsque la France scelle l’avenir du savon de Marseille. Colbert, sur ordre de Louis XIV, publie un édit qui réglemente la production et la commercialisation du savon. Les normes de fabrication se veulent strictes, notamment dans la sélection des matières premières.

« Le Roi ayant été informé que la mauvaise qualité des savons qu’on fabrique en Provence, en a considérablement diminué le débit, qui était très grand, et que l’altération qu’on y fait pour le poids et les défauts qui s’y rencontrent, pour le peu de soins qu’on a de préparer les matières, a pu donner lieu aux étrangers d’attirer et d’établir cette manufacture chez eux. Ce que S. M. désirant empêcher, Elle a résolu, pour remédier aux abus qui se sont introduits, de remettre cette fabrique dans sa perfection […] »

 

Quelle est la date de l’invention du savon ?

Il n’y a pas un savon, mais des savons

L’apparition du savon est donc parsemée de petites innovations qui, l’une après l’autre, ont donné naissance au savon que nous connaissons aujourd’hui. Par conséquent, il est difficile, voire impossible, de ne citer qu’une seule date pour identifier l’invention du savon.

Si l’histoire du savon s’écrit depuis des millénaires, elle n’est pas près de connaître son point final. Le savon se métamorphose à mesure que les modes de vie se transforment. En témoigne la démocratisation des gels douche, syndets et autres détergents à base de tensioactifs.

Continuons à écrire l’histoire du savon de demain…

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