Le bain sous Louis XIV était-il réellement aux abonnés absents, comme le veut la légende populaire ? L’image dorée que nous nous faisons de l’éclatante cour du Roi Soleil est souvent ternie par un concept aujourd’hui cher à nos foyers : l’hygiène. On raconte ainsi qu’au XVIIe siècle, les gens ne se lavaient pas, ou si peu... Le roi Louis XIV lui-même n’aurait pris son premier bain que sur prescription médicale de Fagon ! L’information fait sensation en soirée, mais elle est un brin fantasmée. En réalité, la toilette et le soin corporel à Versailles répondaient à des paradigmes et canons différentes. Nos ancêtres avaient une autre mentalité, mais n’en étaient pas forcément moins propres… à leur façon !

 

Pourquoi rejetait-on les bains à l’époque de Louis XIV ?

 

L’hygiène, quelle que soit la façon de la pratiquer ou de la percevoir, est essentiellement liée à la santé. Le terme lui-même est tiré du grec hugieinon, qui signifie « santé ». Or, pour parler des bains sous Louis XIV, il faut comprendre que la médecine du XVIIe siècle était bien différente de celle d’aujourd’hui. Elle reposait sur des concepts antiques, balayés par nos praticiens modernes.

 

L’hygiène au XVIIe siècle : de l’équilibre des humeurs

 

Sous le roi Louis XIV régnait encore la théorie humorale d’Hippocrate, formulée près de 2000 ans auparavant. Elle découle de l’idée que l’équilibre du corps humain dépend des quatre éléments (eau, feu, air, terre). Ces derniers correspondent à une substance essentielle appelée « humeur ». Ils incarnent des qualités physiques qui, selon leur prédominance, conditionnent le tempérament.

 

  • Bile jaune (feu) : sèche et chaude. Tempérament bilieux, propension à la colère.
  • Sang (air) : humide et chaud. Tempérament sanguin, joie et optimisme.
  • Pituite (eau) : humide et froide. Tempérament lymphatique, calme et sang-froid.
  • Bile noire (terre) : sèche et froide. Tempérament atrabilaire, tristesse et mélancolie.

 

L’hygiène dépend donc avant tout de ces humeurs. Le déséquilibre de l’une ou l’autre a des répercussions directes sur l’état de santé d’un patient. Il peut entraîner des maladies physiques, mais aussi psychiques. Un excès (« réplétion ») sera traité par une purge (d’où les saignées pratiquées en cas de fièvre). À l’inverse, une carence nécessitera une alimentation ou des exercices spécifiques.

 

La peur de l’eau et la crainte des miasmes à Versailles

 

Chez les médecins de la Renaissance, une autre idée s’impose en filigrane par-dessus la théorie des humeurs. Celle que le corps est poreux, qu’il comporte des interstices par lesquels les miasmes peuvent se glisser. Ces miasmes, par définition, sont synonymes de maladie et d’infection. Or, les grandes épidémies (peste, variole) circulent toujours au sein du royaume de France.

 

Les Français commencent donc progressivement à craindre l’eau, soupçonnée de faciliter l’infiltration de la maladie par les béances du corps. De surcroît, elle génère un trop-plein d’humidité susceptible d’altérer l’équilibre naturel du corps. Conséquence : l’usage du bain se perd à Versailles. Le contact avec l’eau se cantonne désormais à quelques séjours thérapeutiques dans des stations thermales.

 

Extrait d’une lettre de Madame de Sévigné, contemporaine de Louis XIV : « Je m’en suis fort bien trouvée, et quand j’ai proposé la douche, on m’a trouvée en si bonne santé qu’on me l’a refusée […] » (source).

 

Le roi Louis XIV et le règne de la toilette sèche

 

Certes, sous Louis XIV, les bains ne sont plus en vogue. Toutefois, cela ne signifie pas que les gens ne se lavaient pas. Ils avaient recours à d’autres subterfuges, aujourd’hui tombés en désuétude et remplacés par les tout-puissants détergents. Le changement ne s’amorcera qu’au XVIIIe siècle, époque du retour des ablutions. Marie-Antoinette aura même droit à son propre cabinet de toilette…

 

Un corps crasseux, mais pas trop

 

À la cour de Versailles, la propreté n’est pas jugée sur le corps et la peau, mais bien sur les vêtements qui les recouvrent. On exige donc un linge d’une extrême propreté et d’une blancheur immaculée. C’était là un gage de la qualité de celui qui le porte, le summum de la distinction et de l’élégance.

 

L’eau sert donc surtout à nettoyer l’habit. Côté corps, on se contente de soigner l’apparence des rares morceaux de peau qui dépassent des étoffes. Par conséquent, les parties visibles (mains, visage) se soumettent à une toilette sommaire. On les frotte avec des linges pour éliminer toute impureté.

 

Pour le reste du corps, il est bien vu de le laisser se recouvrir d’une fine couche de crasse. Les médecins considèrent qu’elle forme une pellicule protectrice qui bloque l’intrusion des miasmes et des maladies… Afin de la préserver, d’aucuns privilégient même un nettoyage à l’huile ou au beurre !

 

Odeurs putrides et parfums cache-misères

 

Il va de soi que les sujets de Louis XIV ont un seuil de tolérance aux mauvaises odeurs bien plus élevé que le nôtre. Ces effluves musqués sont même plutôt bien connotés. Dans les classes les moins aisées, par exemple, un homme est d’autant plus viril et puissant qu’il « sent fort »…

 

Toutefois, point trop n’en faut. Pour éviter d’incommoder son royal entourage, on fait donc usage abondant de parfums. Encore une fois, il ne s’agit pas d’être propre au sens où nous l’entendons de nos jours, mais de se livrer à tout un jeu de représentations dont nous avons perdu les codes.

 

À cette époque, la mode est à l’ambre. À tel point que le roi Louis XIV en développe des maux de tête récurrents ! Le souverain lui préfère le parfum de la douce fleur d’oranger qui fleurit dans son Orangerie. C’est d’ailleurs au même moment que la princesse de Nerola (à qui l’on doit la fameuse essence de « néroli ») s’immisce dans les affaires du royaume…

 

Louis XIV : non au bain, oui au savon de Marseille

 

Cela peut paraître paradoxal. Et pourtant, c’est bien Louis XIV qui démocratise l’usage du savon de Marseille. Avec Colbert, il met au point l’édit du 5 octobre 1688, qui instaure les règles de fabrication dudit savon. Le texte interdit par exemple de remplacer l’huile d’olive par des beurres ou des graisses. Le roi qui ne prenait pas de bains a ainsi laissé sa trace dans l’histoire de l’invention du savon.

 

Chez Maison Manifacier, c’est l’Histoire qui laisse sa trace sur le savon. Nos savons surgras certifiés biologiques s’inspirent de la simplicité des remèdes botaniques d’antan. Ils nettoient le visage et le corps au quotidien, dans le respect de la délicatesse de la peau et du savoir-faire traditionnel des maîtres savonniers. Laissez-vous transporter par leur sensorialité faite main, infusée d’extraits végétaux oubliés et de senteurs typiques des gantiers-parfumeurs royaux.


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